L'HISTOIRE
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le "clos des grives" Passionnément JARDIN
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Le roi d'Yvetot

Le document d'histoire ci-dessous est extrait des archives de la Bibliothèque Nationale et vous trouverez à sa suite un document très intéressant le journal officiel du roi d'yvetot en date du 16 octobre 1873 :

 

M. BOREL d'HAUTERIVE - Notice, annuaire de 1871
NOTICE HISTORIQUE SUR LES ROIS D'YVETOT.

Les archives du château de la Rivière-Bourdet (commune de Saint-Martin de Quévillon, près Rouen) renferment deux tires fort curieux. Le premier est un aveu rendu vers 1375 et commençant par ces mots : "Véchy chen que tien Johë Delarivière de noble roy d'Ivetot." L'autre est un arrêt du 3 août 1463, rendu par le maître des eaux et forêts de Normandie, mentionnant les dispositions de témoins âgés de plus de quatre-vingts ans. Celui qui est entendu le second dit: "Vers l'an 1400 ou viron le seigneur de la Rivière-Bourdet estoit messire Martin d'Ivetot", déclaration que confirme le sixième témoin, affirmant qu'il a vu jouir des droits en litige "messire Martin d'Ivetost, lors roy d'Ivetost, seigneur de la Rivière-Bourdet." Ces deux actes, jusqu'alors ignorés, sont donc à ajouter au petit nombre de ceux où le seigneur d'Yvetot est qualifié de roi, tels que l'arrêt rendu en 1392, à Caen, par l'échiquier de Normandie; le rôle des gages des cent gentilshommes de l'hôtel du roi, en 1491; le contrat de mariage de Jean Chenu, fils aîné de Perrot, roi d'Yvetot, avec Marion Courault, fille de Robert, avocat et conseiller en cour lai, et le contrat de mariage de Jean Courault, fils de Robert, avec Perronne Chenu, soeur de Jean, passés par devant les tabellions de Rouen le 3 février 1498; le compte des dons faits en 1498 et 1499 par le roi Charles VIII, rendu par Jean Lallemand, receveur général des finances de Normandie; les rôles de 1525 pour le bailliage d'Yvetot; les lettres de François Ier au parlement de Paris, du 13 août 1543, pour l'expédition du procès de la dame de Montour contre la dame d'Yvetot, qualifiée reine.
Abordons ce formidable problème de l'origine du royaume d'Yvetot, qui se dresse depuis des siècles comme un défi à la patience et à la sagacité des historiens; et tout d'abord laissons de côté la fable de l'érection d'Yvetot en royaume, au commencement du VIe siècle, par Clotaire Ier, en faveur des hoirs de son chambellan, qu'il avait assassiné malgré la protection du pape Agapet Ier et ses exploits contre les Sarrazins. Du temps de ce pape, en 535, il n'y avait pas de Sarrazins : Gautier d'Yvetot ne put donc les combattre. Tout au plus les partisans de la légende pourraient-ils répondre - argument que j'indique sans amour-propre d'auteur - en transférant la légende du VIe au Xe siècle, ce qui serait encore une antiquité très-respectable, c'est-à-dire au temps du pape Agapet II (946-956) et du roi Lothaire (954-986), au lieu de Clotaire, qui aurait été mis dans la légende par l'erreur d'un copiste, temps auquel il y avait nombre de Sarrazins à combattre.
Yvetot ne devait même pas exister au VIe siècle. Ce nom, qu'on trouve anciennement écrit Ivestot, signifie "maison d'Yves", prénom scandinave que portait le fils de Lodbrogh, roi des Danois, Iwar, duc d'Upland vers 830, dont le nom se trouve indifféremment écrit, dans les anciennes chroniques, Yvar, Iver, Iveres, Iwais, Ivais (Ce prénom se retrouve fréquemment sur la carte de l'ancienne Normandie: Yvemesnil, Yvetote, Yvecrique, Yvrande, Ivry (qui s'écrivait Yvery), les Yveteaux, deux autres Yvetot.). Tot ou tost, mot de provenance scandinave, signifiant "maison, habitation", se retrouve dans le nom de beaucoup de localités normandes: Houdetot, Sassetot, Lanquetot, Hautot, etc.

"Une multitude de noms de lieux en Normandie, nous dit M. Depping dans son Histoire des expéditions maritimes des Normands, tirent évidemment leur origine des Normands ou en général des peuples septentrionaux. On remarque d'abord que la plupart des noms terminés en ville, du latin villa, renferment un mot étranger qui presque toujours paraît avoir été le nom propre ou le surnom d'un Normand qui habitait ou possédait la terre." La même observation s'applique aux noms terminés en tot; par exemple, Houdetot doit signifier la maison d'Eudes, comme Yvetot la maison d'Yves. Le savant professeur danois Adam Fabricius, dans ses Recherches sur les traces des hommes du Nord dans la Normandie, n'hésite pas à ranger la terminaison tot parmi les dérivés des langues du Nord.
Etant d'origine scandinave, le nom d'Yvetot ne peut pas remonter plus haut que les invasions des hordes du Nord dans la Neustrie, et n'existait par conséquent pas en 535, du temps de Clotaire Ier. Yvetot aura été fondé après 853 et avant 1024.
Nous avons un diplôme de Charles le Chauve, donné au palais de Kiersy en 853, par lequel il accorde aux moines de Fontenelle (Saint-Wandrille), Caudebec et ses dépendances, minutieusement; Yvetot ne figure pas dans ce dénombrement, non plus qu'aucun nom de lieu ayant la terminaison tot; pour la trouver dans les chartes, il faut attendre le Xe siècle. Est-il présumable qu'Yvetot, qui n'était en réalité qu'une enclave du territoire de Caudebec, n'eût pas été mentionné par Charles le Chauve si dès lors Yvetot eût existé, surtout à l'état de royaume? A une époque où le moindre titre était méticuleusement rédigé, comment admettre que le royal donateur n'eût pas même nommé, ne fût-ce que pour faire des réserves, un fief si voisin de l'abbaye qu'il gratifiait? Le fondateur d'Yvetot fut vraisemblablement un des guerriers conquérants à qui Rollon, après la paix de Saint-Clair-sur-Epte, en 911, distribua des terres dans la Neustrie, sous condition d'hommage et de service militaire. Vertot prétend qu'on ne trouve le nom d'Yvetot pour la première fois qu'un peu avant la fin du XIe siècle. L'erreur est manifeste. En 1024, Richard II, confirmant les donations faites à Saint-Wandrille, tant par lui que par ses prédécesseurs, mentionne "cent acres de terre à Ivetot". Entre 1038 et 1050, "Eudes, prêtre d'Yvetot", est témoin d'une donation. Dans une charte donnée avant son départ pour l'Angleterre (1066), Guillaume le Conquérant, rapportant et confirmant les donations faites à Saint-Wandrille, dit: "Gautier Gyfard, du consentement de Richard, donna la dîme de Cravenchon et partie de la forêt. Le même donna la grotte d'Albod et la terre de Butetot, c'est-à-dire tout le fief de Laudomar, chevalier, d'Asselin-Pélican, et en outre le fief d'Ansfred de Ivetot". Or, Gautier, premier du nom de Gyfard ou Giffart, fils d'Osberne de Bolbec, chevalier, et d'une soeur de la belle Gonnor, comtesse de Normandie, femme de Richard Ier et fille d'un chevalier danois; vivait de 1020 à 1066, car il était à la bataille d'Hastings et fut fait par Guillaume comte de Longueville en Caux et de Buckingham en Angleterre.
De tous ceux qui ont écrit sur les sires d'Yvetot, aucun n'avait parlé de cet Ansfred, dont le prénom est purement scandinave.
Nous voilà bien loin du royaume érigé en 535 par Clotaire Ier, puisque nous voyons qu'au XIe siècle Yvetot n'était qu'un simple fief tenu à foi et hommage de Gautier Gyfard, comte de Longueville en Caux, qui transporta ses droits à l'abbaye de Saint-Wandrille.
En 1051, Guillaume, par la grâce de Dieu comte des Normands, donne à la cénobie de Fontenelle (Saint-Wandrille), "pour la restauration dudit lieu qui dès longtemps a été ruiné, ... à Yvetot un manoir avec le territoire de Carclif et la terre de Corbière." En 1066, le sire d'Yvetot, peut-être cet Ansfred qui vient d'être nommé, accompagne Guillaume à la conquête de l'Angleterre. En 1074, Guillaume, confirmant les donations faites à ladite abbaye, avant sa destruction par les peuples du Nord et depuis son rétablissement par les ducs de Normandie, ne prononce même pas le nom d'Yvetot. Il est présumable qu'à cette dernière date, le seigneur d'Yvetot avait racheté de l'abbaye les droits et redevances qu'elle avait à Yvetot.
En 1096, Jean d'Yvetot et Richard d'Yvetot de Taillanville, les fils sans doute du compagnon d'armes de Guillaume le Conquérant, suivent Robert Courteheuse à la première croisade.
Au 1er août 1142, la seigneurie d'Yvetot est toujours dégagée de toute redevance envers l'abbaye de Saint-Wandrille, car à cette date Hugues, archevêque de Rouen, rapportant et confirmant les donations faites à cette abbaye par les souverains pontifes, rois, ducs, princes et autres, ne nomme dans ce long dénombrement que "la dîme de l'église d'Ivetot", et entre 1127 et 1146, Geoffroy Plantagenet, duc de Normandie, ordonnant que ladite abbaye rentre en possession des biens dont elle jouissait sous Henri Ier, roi d'Angleterre, ne fait aucune mention d'Yvetot.
Nous avons de Philippe le Long (novembre 1319) une charte en forme de vidimus, rapportant et confirmant plusieurs donations faites à Saint-Wandrille, entre autres celle des dîmes d'Yvetot et de Touffreville. "Gautier d'Yvetot, et Richard son fils, donna à Saint-Wandrille, pour le salut de leurs âmes et de leurs ancêtres, une masure sise dans sa terre d'Yvetot, avec deux gerbes de dîme, par cette raison que Roger, abbé de Saint-Wandrille, et tout le chapitre de l'église cédèrent audit Gautier et à son fils le fief de Gautier l'Esventé en droit héréditaire avec son fief d'Yvetot, sauf le service du Roi et de Saint-Wandrille." Roger fut abbé de Saint-Wandrille de 1150 à 1165. Ainsi, à partir de cette date, le sire d'Yvetot devait le service de vassal au roi et à l'abbé de Saint-Wandrille pour un fief acquis par lui, mais non pour son fief d'Yvetot. C'est ce qu'il est important d'établir et qu'aurait dû faire Vertot avant de tirer de ce service des déductions que lés titres réduisent à néant.
C'est ici qu'il est opportun de revenir sur la légende du royaume d'Yvetot; car il ne faut pas dire comme Tertullien: Traditio est, nihil quoeras amplius! Il y a toujours quelque chose de vrai dans la tradition; le difficile est de l'y démêler. " ... Il y avait en Neustrie, au pays de Caux, un chevalier appelé Gautier d'Yvetot, courageux et plein d'une ardeur guerrière, surtout contre les adversaires et ennemis de la chrétienté... Pendant dix années ou environ, il fit beaucoup de guerres et combattit si valeureusement contre les ennemis de la foi catholique qu'on l'appelait vulgairement l'athlète de l'Eglise, car il avait remporté beaucoup de victoires sur les Sarrazins pour l'accroissement et l'honneur de la foi chrétienne."
Gautier d'Yvetot qui, entre 1150 et 1165, donna à Saint-Wandrille une masure et deux gerbes de dîme, ne serait-il pas le Gautier de la légende? De 1147 à 1149, une foule de chevaliers, à la voix de saint Bernard, partent pour la croisade. La valeur déployée en Terre-Sainte par le seigneur d'Yvetot lui mérita peut-être, au retour de la croisade, l'érection de son fief en franc-alleu. Ce qui porte à le croire, ce sont les termes mêmes du contrat passé entre Gautier et l'abbé de Saint-Wandrille; le sens des derniers mots de cet acte, salvo servitio Regis, ne paraît avoir été approfondi par aucun de ceux qui se sont occupés d'Yvetot. L'abbé cède un fief à Gautier pour en jouir en droit héréditaire, à l'égal de son fief d'Yvetot, à l'exception du service que ce fief doit à l'abbaye qui doit ce service au Roi. Ne ressort-il pas de cette clause d'exception si nettement stipulée que, dès ce temps-là, le fief d'Yvetot ne devait aucun service au roi? Nous voyons en effet Richard d'Yvetot, fils de Gautier, parler dans une charte de 1203, de son franc-fief d'Yvetot, "de libero feodo suo de Ivetot." La croisade de 1147, telle aura été la source, le canevas de la fable de Gautier d'Yvetot, placée par Froissart, Gilles et Gaguin en 535, sons le pape Agapet Ier et le roi Clotaire Ier. Deux siècles après la croisade de Louis le Jeune, alors que les sires d'Yvetot commençaient à se qualifier princes et rois, ne relevant que de Dieu et de leur épée, il ne fut pas difficile de trouver un historiographe complaisant pour vieillir de six siècles la légende de leur maison, et perdre dans la nuit des temps la justification des qualifications par eux adoptées.
Richard d'Yvetot, seigneur de Taillanville, qui accompagna Robert Courteheuse à la croisade en 1096, peut avoir été père ou frère d'un Gautier d'Yvetot, seigneur de Taillanville, de qui descendaient Richard, seigneur de Taillanville, Isabelle d'Yvetot, abbesse de la Sainte-Trinité de Caen en 1194, Guillaume, seigneur d'Englesqueville et Hector d'Yvetot, qui fut élevé auprès de Jeanne Malet, veuve de Jean de Mauquenchy de Blainville, maréchal de France en 1368.
Guillaume d'Yvetot, seigneur d'Englesqueville, peut être le même que Guillaume d'Yvetot qui, vers la fin du XIIIe siècle, prenant l'habit de religion à Saint-Wandrille, donne à l'abbaye, "du consentement de Raoul d'Yvetot, son fils, un homme de la ville d'Autretot avec tout le revenu et le service qu'il lui doit."
En 1198, Etienne d'Yvetot paie trente sols à l'Échiquier pour accommodement d'un duel. En 1195, 1198 et 1203, Richard d'Yvetot figure dans les rôles du bailliage de Caux, aux grands rôles de l'Échiquier. En 1203, le roi Jean d'Angleterre mande aux abbés de Caen et de Saint-Wandrille de compter à Richard d'Yvetot quinze livres d'Anjou pour son fief annuel. A cette date, les rôles sont intervertis entre l'abbaye de Saint-Wandrille et le sire d'Yvetot, car, en 1203 aussi, Richard passe avec Robert, abbé de Saint-Wandrille, un accord touchant les droits de procuration que ledit Richard avait en ladite abbaye, et en même temps confirme les donations qu'il lui a faites pour le repos de son âme et de ses ancêtres. Il excepte toutefois le passage de Caudebec et les hommes de son franc-fief d'Yvetot. En 1213, autre accord passé par Richard d'Yvetot, chevalier, avec l'abbaye de Saint-Wandrille, "touchant les dîmes des Essarts et les novales du bois de Beaucier qui sont dans la partie de Croismare et la chapelle Saint-Nicolas que ledit Richard a construite dans l'essart dudit bois", en présence de Guillaume, abbé de la Noue, et de deux chanoines d'Evreux, commissaires délégués par le pape. En 1215, à l'Echiquier, il y a litige entre Eudes d'Oinville et Richard d'Yvetot, à qui l'arrêt rendu interdit de tenir un marché dans le fief d'Yvetot le même jour que ledit Eudes, si l'enquête établit que ce dernier avait coutume d'en tenir un audit jour avant lui.
Dans la déclaration des fiefs du duché de Normandie, sous Philippe-Auguste, Yvetot ne figure point parmi ceux qui relèvent de Saint-Wandrille, et il est remarquable qu'il ne figure nulle part dans ces rôles; ce qui établirait que, dès cette époque, il ne relevait pas de la Couronne.
Robert d'Yvetot est inscrit par Dumoulin dans le catalogue des seigneurs renommés en Normandie depuis Guillaume le Conquérant jusqu'en 1212 sous Philippe-Auguste. Ce doit être le même Robert qui devait audit roi le service d'un demi-chevalier pour un fief de la mouvance de Montfort-sur-Risle, au diocèse de Lisieux.
En 1221, Gautier d'Yvetot est témoin d'une donation faite par Gautier de Carclif. En 1239, l'Echiquier ordonne, en faveur de Gautier d'Yvetot, chevalier, la saisine de la terre de Gautier de Beuseville. Dans la même année, procès est pendant entre Raoul Caisnel et Basle d'Yvetot. En 1271, Richard d'Yvetot est l'un des chevaliers normands qui vont en l'ost de Foix; il doit au Roi le service d'un tiers de chevalier pendant quarante jours, non pour son fief d'Yvetot, mais pour les fiefs d'Offeney et de Purnoy en la prévosté de Paris. En 1272, le deuxième témoin cité dans l'enquête contre Guillaume de Bohon est Richard d'Yvetot, de l'âge de 35 ans. En 1274 et 1282, Geoffroy d'Yvetot est chanoine de Coutances; il est nommé dans une bulle du pape au roi de France.
En 1287, Jean d'Yvetot, chevalier, donne aux abbé et religieux de Saint-Wandrille un excroissement de terre sis à Yvetot autour de leur grange. En 1298, l'hoir d'Yvetot est mineur et en curatelle; mais il n'est pas en la garde du roi de France, duc de Normandie; preuve irrécusable que le sire d'Yvetot ne relève que de Dieu et de son épée. C'est vraisemblablement le Jean d'Yvetot qui, en 1313, est déclaré chevalier par Philippe-le-Bel. Vertot argue de cette déclaration pour démontrer qu'à cette date les sires d'Yvetot relevaient du roi de France; il oublie qu'être chevalier n'était pas une qualification héréditaire, mais une dignité personnelle, et que les rois eux-mêmes étaient armés chevaliers.
Avant 1307, le sire d'Yvetot avait acquis le fief de Carclif, qui devait le service de chevalier à l'abbaye de Saint-Wandrille, à qui ce fief avait été donné, comme nous l'avons vu, par Guillaume le Conquérant, en 1051. Nous avons une sentence des assises de Maulevrier, rendue en 1307, qui condamne noble homme Jean d'Yvetot, escuier, à fournir le service d'un chevalier en l'ost de Foix pour l'abbaye de Saint-Wandrille, à cause du fief de Cardif. "... Requit ledit seigneur du Mesniltate que ledit sire d'Yvetot fust son garant du fie monstre de la demande que lon lui feisoit, et ledit sire d'Yvetot se caicha de la garantie comme grant segnor. ..." Ainsi Jean d'Yvetot, - qualifié en 1307 noble homme, écuyer et grand seigneur, déclaré chevalier en 1313, - devait le service de chevalier à Saint-Wandrille, mais seulement pour un fief indépendant du franc-alleu d'Yvetot.
En 1313, Jean d'Yvetot est seigneur patron de Sainte-Marie-des-Champs. En 1322, Richard d'Yvetot, écuyer, achète 60 sols de rente pour 45 livres. En 1339, Richard d'Yvetot est du nombre des chevaliers qui promettent au roi de fournir des hommes d'armes pour la conquête de l'Angleterre. Noble homme Richard d'Yvetot, chevalier, figure en 1341 dans un titre de l'abbaye de Jumièges. En 1345, Robert d'Yvetot, chevalier, seigneur de Taillanville, chambellan du roi, gouverneur du château de Moulineaux aux gages de 125 francs d'or, donne quittance scellée de ses armes. Richard d'Yvetot, chevalier, est témoin, en 1346, d'une donation faite par Jean Malet, sire de Graville.
En 1350, Jean, sire d'Yvetot, érige en collégiale, sous le vocable de Sainte-Jeanne, l'église "de sa noble ville et haute justice d'Yvetot." Le cabinet des marquis d'Albon renfermait une médaille frappée à cette occasion avec cette légende: IVEST. ECCLESIA. SANCTE. IOANNE.
En 1351, l'archevêque de Rouen donne une charte de confirmation portant que Jean d'Yvetot a fondé un chapitre dans sa haute justice d'Yvetot, "in suo mero imperio de Ivetot." Nous verrons son fils se qualifier tantôt sire par la grâce de Dieu, tantôt prince ou roi.
Jean d'Yvetot servit Charles V contre les Anglais. Il ne paraît nulle part que ce fût comme vassal; si ce n'était comme allié, titre glorieux que je réserve pour Martin d'Yvetot, son petit-fils, ce fut du moins comme volontaire. Le sire d'Yvetot prélevait à cette époque par ses fermiers, dans l'étendue de sa seigneurie, 100 livres de droits de coutume et 60 livres de minages, somme énorme pour le temps; mais ses vassaux étaient affranchis de toute redevance envers le roi de France.
Entre 1347 et 1350, Jean d'Yvetot épousa Jeanne Bourdet, dame de la Rivière, car en 1347 elle était veuve de son premier mari, Gilles de Mauquenchy de Blainville, "qui naguère a esté mort en la guerre desdicts seigneurs roy et duc de Normandie", et en 1350 Jean d'Yvetot fonde la collégiale de Sainte-Jeanne d'Yvetot, vocable qu'il choisit vraisemblablement en l'honneur de sa femme, Jeanne Bourdet, riche héritière, dont il eut un fils, Jean, et une fille, Isabelle d'Yvetot, mariée à Robert de la Chapelle, chevalier, seigneur de la Vaupalière et de Lindebeuf. M. l'abbé Cochet, dans son Epigraphie de la Seine-Inférieure (p. 15), dit qu'en 1853, en démolissant une maison voisine de l'église et de l'ancien château d'Yvetot, on trouva des fragments de pierre tombale qui, réunis, lui ont paru les restes de la dalle tumulaire d'un seigneur d'Yvetot du XIIIe ou plutôt du XIVe siècle. Dans un encadrement formé avec une grande ogive, dont les angles sont ornés d'anges tenant des encensoirs et des navettes, on distingue un homme et une femme couchés, mains jointes, la tête posée sur un coussin. Le savant archéologue propose de lire ainsi l'inscription tumulaire :
CHI GIST DAME IEHANNE de VilleqVIER ...
FAME DE MONSEIGNEVR DIVETOT, etc.
Je crois qu'il faut plutôt la rétablir ainsi:
CHI GIST DAME IEHANNE de la RiVIERe Bourdet
FAME DE MONSEIGNEVR DIVETOT, etc.

Ainsi ce serait la tombe de Jean d'Yvetot et de Jeanne Bourdet, dame de la Rivière, qu'un hasard aurait remise au jour, après avoir été enfouie sous les décombres dans le sac du château et de l'église d'Yvetot par les iconoclastes révolutionnaires.
On trouve vers 1378 Pierre ou Perrinet d'Yvetot, reçu à une 'revue devant le connétable du Guesclin; mais il devait appartenir à une famille ou une branche d'Yvetot fixée près de Valognes, et dont je reparlerai.
Jean d'Yvetot est dit fils de Jeanne Bourdet dans une sentence de 1377, dont voici un extrait: "Comme piecha noble dame feue madame Johe, dame de la Rivière-Bourdet, en temps qu'elle vivoit, ou son seneschal, eust faict demande en sa court dud. lieu de la Rivière à Joh. Tremal, de service de prevosté ... par raison de son noble fieu de la Rivière-Bourdet... Saichent tous que en dict jour dui en icelles assises, après ce que Guill. le Villain, seneschal et procureur de noble home mons. Jehan, seigneur d'Ivetot, filz et hoir de lad. feue madame..." Jean d'Yvetot, seigneur de la Rivière-Bourdet, est qualifié, dans un aveu rendu entre 1373 et 1377, "noble homme roy d'Ivetot"; dans des actes de 1380 et 1381, "sire d'Ivetot par la grâce de Dieu", et toujours de prince ou de roi jusqu'en 1392, que cette dernière qualification lui est donnée dans un arrêt de l'échiquier de Rouen.
Il eut un fils, Martin d'Yvetot, et deux filles: 1° Jeanne, mariée à Guillaume Malet, chevalier, seigneur de Cramesnil et d'Auchtal, chambellan du roi, capitaine de Rouen, maître des arbalétriers en 1415; 2° Yolande d'Yvetot, qui fit un échange d'héritage avec sa soeur Jeanne le 16 avril 1386, et une transaction le 19 avri1 1390.
Martin d'Yvetot paraît avoir été marié à N... de Caux. On lit dans la Chronique normande de Pierre Cochon, publiée par Ch. de Robillard de Beaurepaire en 1870 (p. 328), que Hue de Donquerre, mort excommunié en 1406, laissa plusieurs filles, mariées l'une, Perrine, à Jean de Caux, chevalier, seigneur de Caux et de Canteleu, neveu de Martin d'Yvetot, seigneur de la Rivière-Bourdet, et cousin de Robert de Sorenc, chevalier, seigneur de Bondeville ; l'autre, Marguerite, à Regnault de Rieux; la troisième, Jeanne, à Guillaume le Mecteer. Guillaume de Donquerre, seul fils de Hue, n'accepta sa succession que sous bénéfice d'inventaire, et donna, en 1407, à sa soeur Jeanne le petit fief de la Margaise, au bailliage d'Amiens.
Martin est qualifié, dans divers actes, sire, prince ou roi d'Yvetot et seigneur de la Rivière-Bourdet. On a conservé de l'ancien chartrier d'Yvetot une médaille représentant Martin assis sur son trône, simple escabeau à quatre pieds. Le roi d'Yvetot est revêtu d'une cotte d'armes serrée à la ceinture; il a les cheveux longs à la façon des princes mérovingiens; il est couronné du cercle royal sans branches ni fleurons, et donne l'accolade à un de ses sujets du nom de Bobée. L'écrivain à qui est emprunté ce renseignement; M. Labutte, dit que la légende de cette curieuse médaille porte: "MAISTRE IVETOTI BOBÉ E. SC. SCT. EG.", et au revers: "Sit nomen Domini benedictum. 1414." Ne faut-il pas de préférence lire ainsi la légende: MART. REX. IVETOT. I. BOBÉE. F. ESCVTIG., c'est-à-dire: "Martin, roi d'Yvetot, fit Jean Bobée écuyer"? Cette médaille aurait donc une importance considérable, puisqu'elle établit que le roi d'Yvetot faisait des nobles. Peut-être aussi a-t-on mal lu le millésime; car les archives de la Rivière-Bourdet renferment des aveux rendus en 1413 à Marie d'Yvetot, et, ce qui est plus probant, nous savons que, le 2 mai 1401, Martin vendit Yvetot à Pierre de Villaines pour quatorze cents écus d'or. Cette médaille fut donc frappée avant cette date, si elle est de Martin, et elle dut l'être lorsqu'il suivit en Flandre le roi Charles VI, et, comme un vrai roi, gagea de ses propres deniers tous ses gens de guerre. Mais le royaume d'Yvetot n'était pas assez riche pour payer la gloire de son prince, et Martin, presque ruiné, dut vendre son trône. Dans le contrat de vente, passé devant soixante et un notaires du Châtelet, à Paris, le 2 mai 1401, il est qualifié "noble et puissant seigneur monseigneur Martin, prince d'Ivetot, chevalier, seigneur de la Rivière-Bourdet, fils de- monseigneur Jehan d'Ivetot, chevalier, jadis seigneur desdits lieux"; mais on donne à sa ville d'Yvetot la qualification de royaume. Martin eut une fille, Marie d'Yvetot, dame de la Rivière-Bourdet, mariée 1° à Guillaume de Domqueur, mort avant le 3 avril 1419, vraisemblablement en combattant contre les Anglais; 2° à Jean de Valsemé, mort après le 3 juin 1457 et avant le 28 avril 1458.
Martin d'Yvetot mourut vers 1412; il était le dernier de la branche aînée de cette illustre maison, représentée à la conquête de l'Angleterre et à la première croisade; mais il n'était peut-être pas le dernier de sa race. A Martinvast, dans l'élection de Valognes, était établie une famille du nom et des armes d'Yvetot: d'azur, à la bande d'or, accompagnée de deux cotices du même, qu'un mémoire de Clairembault ne fait remonter qu'à 1412, mais qui devait y être établie déjà environ deux siècles auparavant et avoir donné son nom à un fief sis auprès de Valognes. Elle put avoir pour auteur Robert d'Yvetot, qui devait à Philippe-Auguste le service d'un demi-chevalier pour un fief sis au diocèse de Lisieux. En 1253, Roland de Vassy donne aux religieuses de Villers diverses redevances dans la paroisse d'Yvetot. Je présume qu'il s'agit de Villers-Canivet (diocèse de Séez, élection de Falaise) et d'Yvetot sis dans l'élection de Valognes. C'est donc avant 1253 qu'il faudrait placer l'établissement d'un membre de la maison d'Yvetot aux environs de Valognes, et c'est de lui qu'était sans doute issu Pierre ou Perrinet d'Yvetot, qu'on voit figurer, vers 1378, dans une revue du connétable du Gueslin. Quoi qu'il en soit, le 18 juin 1451, Jean d'Yvetot obtint un arrêt de la cour des aides de Paris qui le confirmait dans sa noblesse contre les habitants de la paroisse de Martinvast, appelant d'une sentence des élus de Coutances, qui l'avaient reconnu "noble et extrait de noble race".
Toutefois, dans la Recherche de Montfaut, nous voyons "Jean d'Yvetot, de la seigneurie de Tollevast, élection de Valognes, assis à la taille pour l'année 1463, étant en doute s'il ne vérifie sa noblesse"; mais, le 26 mai 1482, Jean et Robert d'Yvetot, fils de Jean, obtinrent une taxe de dépens contre les habitants de Tollevast. Jean, frère dudit Robert, fut père de Pierre et Robert d'Yvetot. Pierre fut père d'Olivier, de François et de Jean d'Yvetot, marié à Marie de Vassy, dont: 1° Jean; 2° Jean, père de Jacques, de Louis et de Nicolas d'Yvetot; 3° Robert, mort en 1388; 4° Guillaume, marié à Simonette le Mire, dont: François et Nicolas, marié à demoiselle Guillaume le Camprond, qui fut père de Guillaume d'Yvetot, marié à Marie le Goix, dont Jacques, qui épousa Jeanne le Peletier, et eut d'elle Louise-Henriette d'Yvetot. Tel est le résumé du Mémoire de Clairembault, et telle est la filiation que présente une Note de sa main conservée aux Archives de la Bibliothèque nationale. Clairembault écrivait avant 1714. Il faut croire que la descendance ne s'arrêta pas à Louise-Henriette; car nous voyons la famille d'Yvetot, déjà maintenue dans sa noblesse en 1666, représentée, parmi les gentilshommes de Normandie assemblés pour l'élection des députés aux états Généraux de 1789, par madame Madeleine-Françoise-Denise le Roux, veuve de Charles-François d'Yvetot, et par Jean-René d'Yvetot. Là s'arrêtent les renseignements sur cette famille, que l'on a lieu de présumer éteinte. Notons que, dans le travail de Clairembault, on ne trouve pas Georges-Julien d'Yvetot, prêtre, curé d'Aucteville-Lanquetot , maintenu dans sa noblesse en 1697, mais qui portait, à vrai dire, des armoiries différentes.
Résumons l'histoire d'Yvetot: au XIe siècle, simple fief tenu à foi et hommage de Gautier Gyfard, comte de Longueville-en-Caux, puis de l'abbaye de Saint-Wandrille; au XIIe, franc-fief; au XIVe, principauté et royaume.
Recherchons maintenant l'origine de ce royaume dont on a donné plus d'une ingénieuse explication. L'un veut qu'Yvetot, enclavé dans le duché de Normandie, mais relevant du roi de France, ait été primitivement appelé "Yvetot du royaume", puis par transposition "le royaume d'Yvetot"; M. Houel et, avant lui, Jodocus Sincerus penchent pour l'invraisemblable légende du temps de Clotaire Ier; un autre, notant que Jean de Bailleul, roi d'Ecosse, détrôné au commencement du XIVe siècle, se réfugia en Normandie, se demande s'il n'habita pas Yvetot, et ne fut pas appelé par ironie le roi d'Yvetot, comme Charles VII le roi de Bourges, ironie que les sires d'Yvetot auraient relevée adroitement à leur profit; celui-là, comme Vertot, ne voyant dans cette énigmatique royauté qu'une simple et grossière usurpation, nie que le royaume d'Yvetot ait jamais existé, comme si l'histoire de la féodalité n'offrait pas à chaque page de triomphantes usurpations! Comme si, encore, il n'existait aucun document authentique portant les qualifications de roi ou de royaume d'Yvetot! Tel autre enfin, remontant d'un bond aux temps de la domination romaine dans les Gaules, y rattache ces qualifications légendaires. Que de puériles dissertations! Quoi! le franc-fief d'Yvetot survit à la destruction de la grande féodalité, gardant ses priviléges, son autonomie, sa haute justice; ses seigneurs battent monnaie, créent des nobles, ont droit de vie et de mort sur leurs vassaux, ne relèvent que de Dieu, ont tous les droits du plus puissant des monarques, et l'on veut que, maîtres absolus chez eux, ils aient hésité à prendre le titre dont ils avaient toute l'autorité, quand nul de leurs vassaux ou de leurs voisins ne pensait à le leur contester?
Telle est, suivant nous, l'origine du royaume d'Yvetot, de ce petit fief échappé à la convoitise, à l'annexion du plus fort, comme Andorre en Navarre, Monaco et Saint-Marin en Italie, et qui, composé de quatre-vingts feux en 1260, de cinq cents en 1738, compte aujourd'hui près de 9,000 habitants. Yvetot est-il donc le seul exemple d'un royaume exigu? La petite île de Man, dans la mer d'Irlande, formait anciennement un royaume de dix-sept villages, dont les rois, trop pauvres pour avoir une couronne d'or ou d'argent, portaient un diadème en étain. L'ancien royaume d'Esterno et celui de Maude, près de Tournai, avaient si peu d'étendue que trois charrues suffisaient pour en labourer les terres. Majorque fut un royaume, Minorque fut un royaume. Combien d'autres exemples, en Allemagne, on pourrait citer encore! Malheureusement ceux qui s'occupent des sires et du royaume d'Yvetot ne peuvent guère s'appuyer, en dehors de quelques titres, que sur des conjectures, depuis l'incendie des archives du château seigneurial d'Yvetot, en 1790, par les vandales révolutionnaires. Que de chartes précieuses livrées misérablement aux flammes, et qui eussent éclairé sans conteste possible les origines du royaume popularisé par Louis XI, Henri IV et Béranger!
Le royaume d'Yvetot, à partir de 1401, fut successivement gouverné par Pierre Ier et Pierre II de Villaines, par Jean Bolland, sous la domination anglaise, puis par les Chenu, qui avaient acquis Yvetot des héritiers de Villaines, par Jean Baucher, gendre de Jacques Chenu, et qui, pendant plusieurs années, usurpa le trône sur son neveu, Perrot Chenu, - car les plus petits royaumes comme les plus grands sont sujets à l'usurpation; - par les marquis du Bellay, par les marquis d'Albon, descendants des anciens souverains du Dauphiné, qui ne trouvaient un trône, le plus modeste de la chrétienté, que pour en être dépouillés, un siècle après, par la Révolution.

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